La monotonie de la vie en solitaire, décidément… Je pourrais presque de me « vanter » dira-t-on, de la connaitre plus que bien. Depuis que je suis arrivée ici, on ne peut pas dire que ma vie ait été très mouvementée… Mis à part quelques personnes récalcitrante au désir de me donner un peu de sans quand j’en avais besoin plus qu’urgemment, rien ne m’avait froissé, ou même bouleversé. En même temps, je ne cherchais pas non plus à être réputée comme dangereuse, le fait que je sois une hybride me met déjà pas mal de chasseurs et autres personnes souhaitant de faire de l’argent grâce à ma revente sur le dos, si en plus je dois fuir à chaque fois que mes crocs dérapent sur un cou qui trainait malencontreusement par là, ma vie ici serait momentanément fichue.

Enfin bref, il ne fallait pas que je m’inquiète de cela maintenant, je ne suis pas prête d’être découverte en tant de buveuse de sang. Rien que le fait que mes ailes reste à longueur de temps cachées et que mes crocs ne sortent qu’en de rares occasions, c'est-à-dire quand ma soif n’est plus du tout possible à contenir, me fait passer pour une humaine on ne peut plus ordinaire. Bien sur je ne travaille pas et je vole pour me nourrir (la bonne blague, je n’ai jamais spécialement faim) et pour me vêtir surtout, mais je le fais dans la plus grande discrétion, ou bien, je me sers de mes talents de jeune séductrice pour amadouer quelqu’un qui m’achètera par la suite une tenue que je pourrais porter facilement deux semaines si je trouve de quoi la laver et si elle ne se déchire pas quand je courrais…

En fait, une nouvelle tenue, c’est ça qu’il me faut en ce moment. Les vêtements que je porte depuis deux semaines déjà commencent à ne plus tellement recouvrir mon corps, et je ne peux pas me permettre de rester comme cela trop longtemps, ça serait tendre la perche à une animalerie ou quelque chose du genre, puisque lorsque je ne suis pas habillée, on peut voir dans mon dos deux petites marques qui montrent que j’ai bel et bien une paire d’ailes. En plus de ça j’ai toujours mon numéro d’hybride incrusté au fer rouge dans mon cou, et c’est plus que désagréable quand je sais qu’il est à la vue de tout le monde. Enfin bref. Il faut donc aujourd’hui que je trouve une sorte de pigeon assez débile pour bien vouloir m’acheter une tenue complète… Bah, ça sera pas très compliqué, des pigeons aujourd’hui y en a plein et dans tout les coins de rues c’est possible d’en trouver au moins deux ou trois.

« Bon allez, direction le centre ville ~ »

Je passais doucement et agilement au dessus du grillage du cimetière, j’avais l’habitude de faire comme ça, même si plus loin il y avait la grille qui était entre-ouverte. C’était surtout parce que même si le cimetière était officiellement abandonné, enfin de mon point de vue du moins parce que je n’ai encore jamais vu une seule personne vivante dans ces lieux à part Ed, mais lui je l’avais emmené donc c’est un cas à part… Enfin passons, ce n’est pas tellement important, disons donc que je n’aime pas passer par la grille parce que je peux à n’importe quel moment tomber sur je ne sais qui, par malchance. J’atterris donc doucement sur mes jambes et me mets en route pour la ville. Ce n’était pas très loin, et en plus je devais me dépêcher pour ne pas devoir rentrer au moment où la police fait son tour de garde…

La route dura en tout et pour tout dix bonnes minutes. C’était le temps habituel que je mettais, donc je ne m’inquiétais pas spécialement pour le retour, sauf si je venais à faire de mauvaises rencontres en chemin… J’étais maintenant en ville, et je sentais bien que même s’il n’y avait que très peu de gens sur les trottoirs, beaucoup me regardaient et je voyais se dessiner sur leur lèvres soit de petits sourires amusés soit des têtes macabres, prêtes à pleurer pour mon « triste » sort. Ce sont ces personnes là que j’irais embêter, pour qu’ils m’offrent gentiment de l’argent pour que je m’achète des fringues ~.

Je les regardais attentivement un par un après m’être arrêtée à un croisement de rue. Je ne savais pas à qui m’en prendre… Ils semblaient tous plus amusés les uns que les autres… Ca serait pas mon jour ou bien quoi ? Je tournais lentement la tête de droite à gauche pour regarder autour de moi et aperçois un type qui venait tout juste de refermer son journal. Bon, tant pis ça sera lui mon pigeon… Toutes façons y a pas moyen de trouver une personne triste dans cette rue. Je ne prends même pas le temps de regarder l’expression de son visage et m’avance doucement, les mains dans le dos, la tête penchée sur le côté. Il venait de marmonner quelques mots que je ne compris pas tellement, mais à vrai dire j’en avais pas grand-chose à faire, j’avais plus important à penser, comme la façon que j’allais utiliser pour l’amadouer…

« Bonjour monsieur… Je peux vous être d’une aide quelconque ?... »

Je m’étais arrêtée pile devant lui et je constatais en grimaçant qu’il était un peu plus grand que moi. Je levais doucement mes yeux pour le regarder avec mes pupilles de braise et je fis un petit sourire enfantin. Et oui, j’ai peut être 17 ans mais quand je veux je peux facilement passer pour une gamine de 15… C’est déjà pas mal non ?

J’avais commencé à marcher vers un des magasins que j’avais l’habitude de côtoyer pendant mes moments de vols, mais l’homme que j’avais commencé à pigeonner m’avais rapidement rattrapé pour me proposer autre chose.

"Si tu veux, je connais un magasin où ils vendent des habits qui t'iraient sans doute beaucoup mieux que tout ce qu'on peut trouver dans tous ces magasins 'bas de gamme'. Après, c'est toi qui vois ce que tu préfères."

Je tournais doucement la tête pour le regardais et levais la tête, comme il était plus grand que moi. Il voulait me payer des vêtements plus chers, pour que je les use moins vite ? Bah… S’il voulait faire cela, pourquoi l’en empêcher ? Je lui fis un de mes habituels sourires et m’arrêtais face à lui.

« D’accord, c’est vous qui décidez après tout. C’est vous qui avez décidé de m’offrir des vêtements, je ne sais pas tellement où est ce qu’on peut en trouver de beaux. »

D’accord, j’avais plus l’habitude de porter des vêtements provocants que ces vêtements de beauté, mais c’était pareil non ? De toute façon, les vêtements provocants me permettaient souvent de trouver des proies masculines avec lesquelles je faisais en sorte qu’elles se donnent la mort dans les 24 h qui suivent le moment où ils m’ont croisé et où ils ont aperçu ma tenue. Ce n’était pas spécialement le destin de ce jeune homme, lui dans un futur proche ne ferait que me payer des vêtements, puisqu’il le veut de lui-même, ensuite je ne sais pas ce qu’il nous réserve de beau, je ne suis pas encore au point de sauter sur tout ce qui bouge.

« Dites monsieur, vous vivez dans cette ville ? »

Il fallait bien faire en sorte que la discussion soit lancée, autrement il pourrait facilement penser que je ne voulais que des vêtements et que cela était mon unique but depuis le début. D’accord c’était le cas, mais il n’était pas sensé le savoir de si tôt… Peut être qu’il ne le saurait même pas. C’est dommage parce qu’en apparence il a l’air plutôt sympathique. Je n’avais plutôt pas intérêt à lui porter une intention quelconque autrement il risquerait de tout savoir… Je gardais donc un visage neutre, à la fois pour toujours cacher mon identité mais aussi pour ne pas paraitre subjuguée à tout bout de champ. Parfois je me demande si je n’ai vraiment pas que 15 ans…

On était toujours dans la rue, j’avais toujours mes guenilles sur moi, et pour compléter le tout, je commençais à croire que le fait que je me serve de quelqu’un pour m’offrir de nouveaux vêtements faisait de moi quelqu’un que je n’étais pas. C’était vrai qu’il me fallait beaucoup de caractère pour vivre toute seule dans un endroit délabré, sans chauffage (ou presque) et sans électricité, mais ce n’était peut être pas une raison pour me jouer des autres personnes qui ont juste plus de chance que moi.

Peut être que je devrais tout avouer à Sirius… Mais si j’avouais tout maintenant, il allait surement se mettre en rogne contre moi, enfin, comme le ferait toute personne qui apprendrait qu’il venait de se faire complètement manipuler. Je lui dirais surement plus tard, si j’en trouve le courage.

On continuait d’avancer, et au fur et à mesure qu’on se rapprocher de la dite destination, je sentais de plus en plus de regards qui se posaient sur moi, en particulier celui d’un homme, qui commençait à s’avancer vers vous, parfaitement en face de moi, le sourire amusé aux lèvres.

"Oï, ne fais pas un pas de plus ou le piège sanglant se refermera sur toi, foi de moi!"

On peut franchement dire que j’ai été surprise de l’entendre dire ce genre de chose alors qu’il était parfaitement calme pendant les minutes précédentes. J’avais même eu un léger sursaut et fait un pas sur le côté de peur qu’il s’acharne sur quelque chose ou bien même sur moi. Je n’avais pas envie de me prendre de coups, j’avais déjà bien assez de marques à force de passer entre les buissons à épines pour me sauver du cimetière quand la police croit me capter. L’homme qui s’était approché de moi s’était lui arrêté net et avait tourné la tête vers Sirius, un trait étonné sur le visage.

"Oh, je suis désolé, je ne vous avais pas bien reconnu M. Pirahn... Désolé de vous avoir importuné, vous et votre amie..."

"Ça passe pour cette fois... Mais ne recommence plus, qui sait ce qui pourrait arriver..."

Le fait que sa voie était calme m’intriguait étonnement. J’aurais plutôt cru qu’il aurait encore une fois haussé le ton, mais apparemment pas, enfin, c’était peut être mieux comme ça, pour moi en tout cas. L’homme s’écarta et repris sa route sans m’accorder un regard, ce qui me troublait encore un peu. D’habitude, ce ne sont pas des remarques qui arrêtent ceux qui se nourrissent de moquerie à mon égard, mais c’était peut être lui l’exception qui confirmerait une seule fois cette règle. Je reportais mon attention sur Sirius qui avait maintenant un petit sourire sur les lèvres, comme si le fait d’avoir fait peur à cet homme l’avait amusé.

"Tu vois, je suis célèbre... Et on est presque arrivés, le magasin est plus très loin."

« Oui je vois ça, j’ai cru que cet homme allait vous supplié de le pardonné… Mais pourquoi vous avez fait ça ? Enfin, c’est la première fois qu’on me défend, d’habitude je… »

Je ne pouvais pas en dire plus, autrement je devrais lui avouer que quand quelqu’un ose venir me voir pour de la moquerie, il terminait souvent dans une ruelle sombre, vidé de son sang, tué par quelqu’un d’autre que moi, mais vidé par mes soins. Je me contentais de baisser doucement la tête pour regarder attentivement le sol en continuant de marcher.

« Merci en tout cas. »

On s’arrêtait ensuite et je vis de l’autre côté de la rue, une gigantesque enseigne de magasin de vêtement. De loin, sur la vitrine, on pouvait facilement voir quelques prix, auxquels je n’aurais habituellement pas fait attention, j’aurais seulement passé mon chemin et je serais allé m’acheter une jupe un collant et un haut au magasin de friperie d’à côté. Derrière la vitrine, qui était un peu noircie, on pouvait voir quelques robes pour femme, de soirées ou quotidiennes, et de l’autre côté des costumes pour hommes, de styles identiques. J’espérais juste que Sirius n’allait pas m’habiller comme pour aller à une fête de riche, parce qu’autrement je ne saurais plus du tout où me mettre.

« C’est là alors… Et… Il y a que des vêtements comme ceux dans la vitrine ? Parce qu’autrement, si je porte ce genre de chose dans les rues, les autres mendiants vont tout faire pour me voler les vêtements et se faire de l’argent comme ça… »

D’accord, en réalité s’ils faisaient ça je saurait me défendre, mais ça, Sirius n’était pas encore sensé le savoir. Et puis pour le moment j’étais accompagnée, et je dois avouer que je ne me sentais pas du tout menacer, ou presque pas, par rapport à d’habitude.

Quelle idée j’avais eu de traverser la rue sans faire attention au fait que Sirius soit encore ou bien pas derrière moi ? Maintenant, je me retrouvais de l’autre côté de la route, pas très loin du magasin, mais sans Sirius je ne pourrais certainement pas entrer vu la dégaine que j’ai. J’ai beau regarder autour de moi, il y a tellement de foule d’un seul coup que je n’arrive pas à apercevoir le jeune homme avec qui j’ai fais le chemin jusqu’ici. J’avais franchement l’impression d’être devenue Alice dans le dessin animé, qui, quand elle mange le petit gâteau, devient toute petite au point qu’on ne la voit plus.

Je me sentais mal. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais je commençais à regretter d’être venue en ville aujourd’hui. Il n’était pas midi et pourtant j’avais froid. L’air passait entre les ouvertures de mes vêtements et je devais croiser les bras pour me réchauffer. Sirius… où es tu à la fin… Je me remets à chercher en m’éloignant du mur où je m’étais appuyée et commençais à faire chemin inverse au magasin de vêtement. Peut être qu’il serait par là. Mais il y avait autant de chance qu’il soit de ce côté que de l’autre. Je me demandais comment est ce que je pourrais bien le retrouver avec toute cette foule, et avec le peu de chance qui est avec moi en ce moment.

Je continuais de remonter la rue en regardant à droite ou à gauche au cas où je le verrais par une chance impossible, et je passais devant une sorte d’échelle en fer, qui menait vers le toit d’un immeuble. Je commençais, par curiosité, à monté sur un échelon, puis deux, et au cinquième je regardais en bas et je vis que j’étais déjà bien assez haut. Je m’assis là et attendais sagement. Je ne savais pas si je le retrouverais, donc autant me reposer. J’avais mal au ventre et aux jambes avec la faim et la fatigue de ma nuit passé, et je n’avais pas envie de m’épuiser en une matinée. Mon ventre commençais à gargouiller sa faim et je soupirais en l’entendant. Ne saurait-il pas se taire un jour celui là ?...

« C’est pas très drôle comme jeu ça… »

Je posais mes coudes sur mes genoux et ma tête sur mes mains et attendais comme ça, le regard fixé devant moi. De toute manière c’était impossible de retrouver Sirius dans toute cette foule, ce n’était même pas la peine d’essayer…